Cela fait déjà quelques temps qu’on entend de plus en plus parler du réseau social Gettr dans les milieux dissidents et patriotes américains, mais aussi français. On nous présente Gettr comme étant l’alternative idéale face à la censure qui fait rage sur Twitter, tout particulièrement depuis que l’ancien président américain Donald Trump s’est fait bannir des trois grands réseaux sociaux (Facebook, Instagram et Twitter) à la suite des évenements du 6 Janvier 2020 au capitole. En clair, Gettr s’inscrit dans la tendance « alt-tech » et se présente comme étant « le marketplace de la liberté d’expression ». Qu’en est-il vraiment ?
Avant de répondre à cette question, il est important de connaître les origines de Gettr, ses fondateurs et ses soutients financiers.
Gettr a fait son apparition officielle sur les app stores de Google et d’Apple en Juin 2021, mais en réalité, Gettr est une version remodelée d’un autre réseau social du nom de « Getome ». Ces applications ont été développées par Chainnov Inc., une société détenue par le fameux milliardaire chinois Guo Wengui.
Gui Wengui a fait fortune dans le secteur immobilier en Chine, au point d’avoir été la 73e plus grosse fortune de l’empire du milieu au sommet de sa carrière. En délicatesse avec les milieux politiques et avec le milieu des affaires chinois dans les années 2014-2015, il s’exile définitivement aux Etats-Unis à partir de 2017. C’est dans ce contexte américain que Guo va se lier à certains personnages plus ou moins liés à l’univers trumpien, en particulier Steve Bannon et Jason Miller, deux anciens conseillers personnels de Donald Trump.
En clair, Guo Wengui est l’un des principaux bailleurs de fonds de Gettr et il n’est pas surprenant que Jason Miller en soit rapidement devenu le CEO. Gettr est également financé par « un consortium d’investisseurs internationaux » selon Miller, sans que l’on sache exactement qui sont ces investisseurs. Seul le profil de Gui Wengui est connu.
En Juillet 2021, Miller a expliqué la raison d’être de Gettr : « Beaucoup de gens se faisaient bannir des réseaux sociaux et réalisaient que les géants du monde de la tech avaient en quelque sorte décidé de s’allier avec le centre-gauche, avec des personnes qui désirent pratiquer la censure ».
Grâce aux moyens considérables de Guo Wengui et aux connexions de Miller, l’application a bénéficié d’une large couverture médiatique lors de son lancement officiel, même si ce lancement a également démontré un certain manque de professionnalisme sur le plan technique. En effet, le jour même de son lancement, Gettr s’est fait pirater par un hacker white hat (@JubaBaghdad) qui s’est amusé à subtiliser les données personnelles de personnalités à haut profil telles que Mike Pompeo ou Majori Taylor Greene.
Malgré ce couac, Gettr est parvenu a attirer quelques centaines de milliers d’utilisateurs assez rapidement, mais probablement pas de façon très organique. Il semble en effet que les influenceurs de droite ou réputés conservateurs aient reçus des incitations à rejoindre la plate-forme, et ont donc contribué à attirer leurs abonnés de Twitter, Youtube ou Facebook vers Gettr. Le dernier exemple en date est celui du podcasteur Joe Rogan, qui a lui seul, a permis d’attirer près de 540.000 nouveaux utilisateurs, principalement venus de Twitter.
En revanche, l’ancien président Donald Trump n’a toujours pas accepté de rejoindre la plate-forme, bien que certains rapports ont laissé entendre qu’il serait intéressé pour prendre des parts dans l’entité qui contrôle Gettr.
Cependant, beaucoup de nationalistes, de constitutionnalistes et de dissidents américains se sont rapidement montrés très critiques à l’endroit de Gettr, les uns se méfiant de l’obscurité qui entoure les fondateurs et financiers de l’application, les autres dénonçant Gettr comme un « grift » de pseudo-conservateurs essayant de capitaliser sur les valeurs liées à la liberté d’expression.
Et il faut dire que plusieurs éléments leur donnent raison.
Par exemple, beaucoup s’étonnent que Gettr ait choisi Ebony Bowden comme « directrice de la communication globale ». Bowden se décrit en effet comme une « Juive australienne vivant à New-York » et l’historique de ses réseaux sociaux montre qu’elle soutenait avec ardeur des personnalités démocrates comme Barack Obama et Hilary Clinton, tout en se moquant régulièrement du président Trump.
De plus, des personnalités nationalistes américaines comme Nick Fuentes, connu pour avoir été banni de dizaines de réseaux sociaux et de services financiers en ligne en raison de sa popularité et de ses opinions controversées, se sont vus bannir de Gettr a de nombreuses reprises sans même avoir jamais rien posté sur la plateforme. Un comble pour une application qui promet de garantir une liberté d’expression aux personnalités bannies de Twitter et Facebook.
Pire encore, le journaliste Elijah Schaeffer, du média The Blaze, a subi un shadow-ban de la part de Gettr après avoir demandé aux responsables de la plateforme les raisons du bannissement de Nick Fuentes.
En bref, tout ceci laisse à penser que Gettr est effectivement une plateforme de « grifters » sans grande conviction. Il reste à savoir qui sont les mystérieux « investisseurs étrangers » qui sont derrière ce réseau social et à comprendre quels sont leurs objectifs.
Beaucoup pensent que Gettr ne fera pas long feu et que son activité est pour le moment très faible et surtout très peu organique, principalement boostée par l’effet d’annonce des influenceurs (sans doute rémunérés) et par l’utilisation évidente de robots visant à gonfler les statistiques de l’application. Il est donc possible et même probable que Gettr finisse comme le défunt Parler, qui s’était positionné sur un segment très similaire avant de péricliter.
Il semble pour le moment que les dissidents du monde entier continuent de préférer le réseau social Gab, dont le succès est constant depuis son lancement en 2017, malgré les nombreuses persécutions politiques, médiatiques et économiques auxquelles a du faire face le créateur de Gab, Andrew Torba.