Alors que les pays du monde entier se précipitent pour lancer une monnaie numérique de banque centrale ( CBDC ), certaines nations ont ralenti ou abandonné complètement la course.
Alors que de nombreux observateurs s’inquiètent ou se réjouissent du développement des CBDC, certains pays estiment que la mise en place des CBDCs n’est pas actuellement nécessaire, tandis que d’autres ont lancé des phases de test.
Voici quatre nations qui ont soit arrêté, soit interrompu leur projet d’implémentation de monnaie numérique.
Danemark
Membre de l’Union Européenne, mais disposant encore de sa propre monnaie (la Couronne danoise), le Danemark est l’un des principaux pays européens en termes de paiements numériques.
Le pays nordique a également été l’un des premiers pays à explorer la possibilité d’émettre une CBDC, dès 2016.
Après seulement un an d’analyses, la banque centrale danoise a rejeté l’idée de lancer une CBDC, jugeant qu’elle ne se servirait pas à améliorer sensiblement l’infrastructure financière du pays. Le régulateur a fait valoir que le Danemark disposait déjà d’une infrastructure de paiement “sûre et efficace”, qui offrait des options de paiements instantanés.
“On ne voit pas en quoi les CBDC de détail créeront une valeur ajoutée significative par rapport aux solutions existantes au Danemark”, déclarait la Danmarks Nationalbank dans un rapport lié aux CBDC en juin 2022.
La banque centrale danoise a évoqué la balance bénéfices-risques, soulignant également les difficultés potentielles pour le secteur privé. La banque continue de surveiller le développement mondial des CBDCs et l’exclut pas totalement la mise en place d’une CBDC danoise dans l’avenir.?
Japon
Le Japon est la troisième économie du monde après les États-Unis et la Chine.
La banque centrale japonaise — la Banque du Japon (BOJ) — publié son rapport initial sur le développement d’une CBDC en octobre 2020 et a par la suite commencé à tester sa monnaie numérique au début de 2021, prévoyant de terminer la première phase pilote d’ici mars 2022.
Cependant, en janvier, un ancien haut fonctionnaire de la BOJ, Hiromi Yamaoka, a déconseillé d’utiliser le yen numérique dans le cadre de la politique monétaire du pays, craignant des risques pour sa stabilité financière.
En juillet 2022, la banque du Japon a livré un rapport dans lequel elle a affirmé qu’elle n’avait finalement pas l’intention d’émettre une CBDC, constatant la forte préférence “pour les espèces et le taux élevé de comptes d’épargne au Japon”. Le régulateur a également souligné qu’une CBDC, en tant que bien public, “doit compléter et coexister avec des services de paiement privés afin que le Japon puisse mettre en place des systèmes de paiement et de règlement sûrs et efficaces. »
“Néanmoins, le fait que la CBDC soit considérée comme une option future dans de nombreux pays doit être pris au sérieux”, note le rapport.
Équateur
La Banco Central del Ecuador ( BCE ) a officiellement annoncé le lancement de sa propre monnaie électronique connu sous le nom de dinero electrónico ( DE ) en 2014. Les principaux objectifs de ce projet étaient d’augmenter l’inclusion financière et réduire la charge de la banque centrale en matière de détention et de distribution de grandes quantités d’argent liquide.
Depuis février 2015, le pays est parvenu à implémenter le dinero numérique comme moyen de paiement fonctionnel, permettant aux utilisateurs de transférer de l’argent via une application mobile. Cette application permettait aux citoyens équatoriens d’ouvrir un compte à l’aide d’un numéro d’identité national, puis de déposer ou de retirer de l’argent via des centres de transactions agréés.
Bien que le dinero numérique équatorien soit généralement qualifié de CBDC, certains observateurs ont remis en cause cette appellation dans la mesure où le dinero digital est basé sur le dollar américain, et non pas sur une monnaie nationale souveraine. Le gouvernement équatorien a effectivement fait du dollar américain une monnaie légale en septembre 2000.
Selon plusieurs rapports statistiques, le dinero numérique équatorien a fonctionné de 2014 à 2018, réunissant un total de 500 000 utilisateurs à son apogée sur une population d’environ 17 millions de personnes. Le projet a finalement été abandonné en mars 2018, suite à un projet de loi supprimant le système de monnaie électronique de la banque centrale. Adoptée en décembre 2021, cette loi stipule que les systèmes de paiements électroniques devaient être externalisés auprès des banques privées.
Plusieurs années après avoir abandonné son initiative de monnaie numérique, l’Équateur est désormais prudent quant au phénomène CBDC. En août 2022, Andrés Arauz, l’ancien directeur général de la banque centrale équatorienne, a averti les décideurs de la zone euro qu’un euro numérique pourrait causer des perturbations, non seulement pour la vie privée des utilisateurs, mais aussi pour la démocratie.
Finlande
Ce ne sont pas les Bahamas, ni la Chine, ni l’Equateur qui furent les premiers pays à déployer une CBDC, mais la Finlande.
En 2020, la banque centrale de Finlande a publié un rapport intitulé “Leçons tirées du premier CBDC au monde” fournissant une description de son système de cartes à puce Avant, mis en place dans les années 1990. Ce rapport fait valoir que le système Avant « peut être considéré comme le premier CBDC au monde ».
Après des années de recherche, la Banque de Finlande a lancé le projet Avant en 1993. Ce projet se présentait sous la forme de cartes à puce similaires à nos cartes de crédit habituelles, ou plus exactement, similaires à nos anciennes cartes téléphoniques.
« La différence clé entre Avant et les systèmes CBDC conçus aujourd’hui est que pour les cartes de systèmes CBDC modernes, ce serait probablement une fonctionnalité supplémentaire. Dans le projet Avant, les cartes étaient le composant principal », peut-on lire dans le rapport. La banque a également suggéré que le projet représentait essentiellement un CBDC de type retail.
Avant n’était pas une CBDC en ligne, comme le sont la plupart des propositions actuelles, mais une carte contenant de l’argent électronique, détenu dans la puce. Les cartes Avant étaient jetables à l’origine, mais à partir de 1994, elles pouvaient être rechargées à n’importe quel guichet automatique. Elles étaient donc une sorte de «porte-monnaie électronique». Une carte Avant pouvait contenir jusqu’à 2000 markka (461 EUR en 2020).
Avant est devenu obsolète et a finalement été abandonné en 2006 car devenu plus cher que les simples cartes de crédit, selon la Banque de Finlande. La carte Avant était initialement gratuite pour les consommateurs, mais des frais ont ensuite été ajoutés, ce qui a négativement affecté son attractivité.
Malgré des frais plus élevés, la carte Avant présentait des avantages par rapport aux cartes de crédit. Selon la Banque de Finlande, Avant permettait aux consommateurs de payer de manière anonyme, puisque ce système n’impliquait aucune obligation de créer ou d’utiliser un compte bancaire.
Après avoir abandonné son propre projet lié à la CBDC il y a des années, la Finlande semble désormais soutenir une monnaie numérique à l’échelle européenne. En août 2022, le gouverneur de la Banque de Finlande Olli Rehn a favorisé l’adoption d’un euro numérique fonctionnant en tandem avec des solutions fintech privées pour effectuer des paiements transfrontaliers en Europe.