Le nombre de Français vivant à l’étranger a explosé depuis les années 1990. Pour quelles raisons ?
En Union soviétique, la Constitution imposait le dogme de la « construction du socialisme » fondée sur la négation des intérêts individuels. Considérée comme une loi de l’Histoire, la « construction du socialisme » ne pouvait pas être remise en cause. Cependant, les résultats ne correspondant pas aux promesses, la propagande se substituait au réel. Les statistiques et les faits étaient « corrigés » pour correspondre à l’attendu et aux objectifs fixés dans les plans quinquennaux successifs.
Toute idée de bilan de la « construction du socialisme » était systématiquement éludée. Les critères devant signer l’achèvement de cette édification n’étaient jamais explicités.
Il en résultait une société désabusée, résignée et dépressive, volontiers portée sur l’alcool et la dérision. Une plaisanterie populaire à la fin de l’Union soviétique témoignait de cet état d’esprit : « Nous faisons semblant de travailler ; ils font semblant de nous payer. »
La jeunesse désespérée rêvait de fuir ce monde mensonger et triste.
Or, la « construction européenne » emprunte bien des similitudes à la « construction du socialisme » puisqu’elle prétend connaître la « loi de l’Histoire », et parce qu’elle est fondée sur la négation non pas certes des intérêts individuels mais des intérêts nationaux.
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Les chiffres de cette hémorragie sont éloquents.
Le nombre de Français vivant à l’étranger a ainsi explosé depuis les années 1990. Il est admis qu’il y avait environ 1 à 1,6 million de Français résidant à l’étranger à la fin des années 1990 (les données sont approximatives du fait que les Français résidant à l’étranger ne s’inscrivent pas nécessairement auprès des ambassades et consulats).
Ce nombre a grimpé à environ 2,5 millions à la fin des années 2010. En mars 2021, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a reconnu que le nombre de Français résidant à l’étranger était de 3,5 millions, soit une proportion de 5,2% de la population française. Et la tendance ne devrait pas s’améliorer : selon une étude Yougov de 2018, 72% des jeunes Français de 18 à 24 ans envisagent une vie à l’étranger, soit près des trois quarts. De plus, 23% souhaitent s’installer définitivement à l’étranger, et la tendance à vouloir quitter la France a augmenté d’un tiers en deux ans.
Souvent présenté comme un signal positif d’ouverture au monde, cet exode témoigne en réalité d’un mal-être profond qui ne touche d’ailleurs pas que la France parmi les pays de l’Union européenne.
Selon l’Insee, environ 3 millions de personnes ont émigré en 2017 d’un Etat de l’Union européenne. Le nombre des personnes qui ont émigré vers un État en dehors de l’Union européenne a augmenté de 12% en quatre ans.
Source : La Chronique Agora