Fabio Panetta, membre du directoire de la Banque centrale européenne (BCE), a proposé que les utilisateurs de l’euro numérique ne soient autorisés à dépenser que 50 € par transaction et aient une limite de dépenses mensuelles maximale de 1 000 €. Au-delà de ces seuils, leurs transactions seront contrôlées et enregistrées par la BCE.
L’euro numérique est la monnaie numérique de banque centrale (CBDC) proposée par l’Union européenne (UE) et les responsables du projet ont déjà confirmé que l’utilisation de cette nouvelle forme d’euro impliquera moins d’anonymat que l’argent liquide pour ses utilisateurs.
Lors d’une apparition à la conférence « Vers un cadre législatif pour un euro numérique » (organisée conjointement par la Commission européenne), Panetta et d’autres responsables ont discuté d’autres restrictions qu’ils espèrent mettre en place lors du déploiement de l’euro numérique.
Panetta a proposé que la BCE soit en mesure de pouvoir consulter les données relatives aux paiements entre les utilisateurs de l’euro numérique, mais qu’elle ne détienne toutefois pas de données personnelles sur ces utilisateurs. Il a indiqué que le seul moyen pour les utilisateurs d’euros numériques d’éviter éventuellement l’enregistrement de leurs données de paiement serait de s’en tenir à une catégorie de « paiements de très faible valeur ».
« Si nous autorisons les utilisateurs à effectuer des transactions jusqu’à 50 € avec un maximum de volume de transactions dans un délai donné qui ne dépasse pas 1 000 € par mois… une transaction ne dépassant pas 50 €, alors on pourrait discuter du fait que cela ne soit pas enregistré, mais c’est une discussion à poursuivre« , a déclaré Panetta.
En plus de proposer des limites de dépenses strictes pour les utilisateurs qui souhaitent éviter la collecte de données, Panetta a également suggéré de mettre en place des limites d’épargne restrictives qui limiteraient le total des avoirs en euros numériques des utilisateurs à un maximum de 3 000 € .
« Ce dont nous discutons, c’est de la possibilité d’introduire des limites pour les utilisateurs individuels« , a déclaré Panetta. « Par exemple, nous avons discuté… de nombreux chiffres… 3 000 €. »
Panetta a affirmé que ces limites d’épargne étaient nécessaires pour la stabilité financière et pour empêcher les utilisateurs de retirer massivement leur argent des banques et d’autres intermédiaires financiers.
Un autre participant à l’événement, le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a remis en question la limite proposée de 50 €, ce qui se comprend dans la mesure où la culture des paiements en argent liquide est encore très présente en Allemagne.
« Je pense que 50 € est très restrictif« , a déclaré Lindner. « Je me demande si les gens accepteraient 50 € alors qu’ils peuvent payer en espèces des centaines et… plus. Donc, nous devons… évaluer cela très attentivement. Nous devrions introduire un euro numérique qui soit vraiment accepté par les citoyens et pas seulement par les décideurs politiques. »
Cependant, Lindner a également appelé à ce que l’euro numérique soit « programmable« , autrement dit, à ce qu’il permette aux gouvernements ou aux banques centrales de programmer des restrictions ou des contrôles de dépenses dans les CBDC. Par exemple, une CBDC pourrait être programmée de sorte qu’elle ne puisse être dépensée que chez des marchands approuvés par le gouvernement ou programmée pour expirer dans un certain laps de temps.
Le thème de l’euro numérique et de la question de la confidentialité des transactions (ou de son absence) a été abordé par plusieurs responsables lors de l’événement, dont Christine Lagarde, présidente de la BCE. Lagarde a reconnu que lors de la consultation publique de la BCE, 43 % des personnes interrogées avaient classé la confidentialité comme l’aspect le plus important de l’euro numérique.
Mais Lagarde a rejeté la demande du public pour l’implémantation d’une véritable confidentialité. Elle a déclaré que « l’euro numérique pourrait reproduire certaines fonctionnalités des paiements en cash et permettre une plus grande confidentialité pour les paiements de faible valeur et à faible risque, y compris pour les paiements hors ligne« , mais a noté que ces protections de la confidentialité ne s’appliqueraient pas à la plupart des transactions.
L’anonymat complet – tel qu’il existe pour les transactions en argent liquide – ne semble pas une option viable à mon avis. Cela contreviendrait à d’autres objectifs de politique publique tels que le respect des règles contre le blanchiment d’argent (AML) et de la lutte contre le financement du terrorisme. Et cela rendrait également pratiquement impossible de limiter l’utilisation de l’euro numérique en tant que forme d’investissement – par exemple via des limites de détention ou une rémunération échelonnée – pour laquelle l’identité des utilisateurs doit être connue.
L’euro numérique étant actuellement en phase d’investigation, les propositions discutées lors de cet événement ne sont pas forcément définitives. Cette phase d’enquête se terminera en 2023 et la CE a annoncé une proposition législative sur l’euro numérique pour le début de 2023. La BCE prévoit également de commencer à tester l’euro numérique en 2023 et de le déployer pleinement en 2026. Bien que ces propositions d’euro numériques ne soient pas immuables, les commentaires sont un autre signe que les personnes derrière les CBDC prévoient de les utiliser pour introduire des restrictions et des fonctionnalités de surveillance qui érodent la vie privée et donnent aux gouvernements plus de contrôle sur la façon dont leurs citoyens dépensent leur argent.
Les États-Unis et la Chine, les deux plus grandes économies du monde, ont tous deux confirmé que leurs CBDC n’offriront pas le même niveau de confidentialité que l’argent liquide. La monnaie numérique chinoise sera programmée pour surveiller toutes les données de transaction à moins que le montant dépensé ne soit faible, tandis que le dollar numérique américain sera « à identité vérifiée » et « non anonyme ». Bien que la question des CBDC soit surveillée depuis longtemps sur HazelFintech et plus largement dans les milieux de la PrivFi, de plus en plus de personnes en Occident s’éveillent et découvrent les implications dystopiques que pourrait générer la mise en place officielle et massive des CBDC. Ces implications sont que les monnaies numériques de banque centrale seront utilisées pour assurer un contrôle total et centralisé des transactions, des niveaux de dépense et de l’identité des utilisateurs.